Témoignage de Nicolas Merlinge - Promotion 2015

Retrouvez le témoignage de Nicolas Merlinge, qui a effectué une thèse sur la « Formulation et caractérisation physico chimique d’un adhésif à double réticulation pour réparations peintures sur structure avion » à Tarbes, en collaboration avec l’entreprise Corso Magenta

Peux-tu me décrire ton parcours ?

J’ai commencé par une prépa CPP (Cycle Préparatoire Polytechnique) donc la prépa des INP. J’étais à Nancy, je suis d’ailleurs originaire de Nancy. Après ça, je suis rentré à l’EEIGM en 2012 où j’ai passé un an et demi avant d’aller à Sarrebruck, en Allemagne pour faire le double diplôme EEIGM/UdS (Universität des Saarlandes).

J’ai été diplômé de l’EEIGM en octobre 2015 et en mai 2016 de l’UdS, parce qu’il y a eu des soucis administratifs du côté allemand.

Après avoir eu mon diplôme, j’ai commencé une thèse à Tarbes dont le sujet était « Formulation et caractérisation physico chimique d’un adhésif à double réticulation pour réparations peintures sur structure avion »

Pour donner un peu de contexte, avant ces patchs, lorsqu’il y avait un impact sur la peinture d’un avion (pouvant être dû à un oiseau, à la foudre etc.), il fallait poncer puis repeindre couche par couche en attendant que la peinture sèche entre chaque couche. Cela impliquait d’immobiliser l’avion pendant 24 à 48h et les compagnies aériennes perdaient donc de l’argent.

Ce travail de thèse a été effectué en collaboration avec l’entreprise Corso Magenta qui a les compétences pour préparer un feuil de peintures, contenant les couches de peintures adéquates. Mon rôle était donc d’étudier ce feuil et de trouver un adhésif permettant de l’appliquer facilement sur les avions pour réduire le temps de maintenance. Cet adhésif devait répondre à un cahier des charges fourni par Air-France et Airbus.

Combien de temps a duré ta thèse ?

3 ans et 4 mois.

Pourquoi t’es-tu orienté vers un doctorat ?

Au début c’était purement parce que j’avais tout fait pour faire une thèse, c’était la suite logique. Normalement dans le cursus EEIGM on doit faire un stage recherche et un stage industriel mais comme mon sujet à Sarrebruck me plaisait et qu’on m’a proposé de rester 6 mois de plus, j’ai saisi l’opportunité. J’ai donc fait un an de stage recherche et je n’ai pas fait de stage industriel.

Juste après mon diplôme, je ne me sentais pas non plus assez mâture scientifiquement pour travailler dans l’industrie et prendre des responsabilités.

Comment as-tu trouvé ton sujet ?

En sciences, on n’a pas à créer son sujet parce qu’il y a des sites qui proposent des thèses. Le projet est déjà monté, on doit ensuite postuler comme pour une offre d’emploi avec un CV et une lettre de motivation. Ce n’est pas comme une thèse de littérature où il faut trouver son sujet, ici le début est un peu plus simple.

D’ailleurs, petit conseil pour les recherches d’emploi ou de thèse : il faut appeler les gens et ne pas hésiter à reprendre contact si vous n’avez pas de nouvelles au bout d’une semaine. Les mails sont trop impersonnels et les recruteurs en reçoivent trop.

Pour ma part ma directrice de thèse m’avait un peu oublié. Je l’ai rappelée au bout d’une semaine et, même si je n’en ai jamais eu confirmation, je pense que ça a joué pour que ce soit moi qui aie le sujet. Ça montre qu’on est motivé.

Quelles étaient tes conditions de travail (laboratoire, rémunération, …) ?

Il y a deux types de thèses : les thèses CIFRE, en lien direct avec l’industrie et les thèses disons plus académiques, c’est ce que j’ai fait. J’étais donc 100% du temps au laboratoire. Donc au début ça veut dire beaucoup de recherche bibliographique, pour moi ç’a été quasiment pendant la moitié de ma thèse. Puis il a fallu trouver le bon adhésif et le caractériser.

Concernant la rémunération, j’avais entre 1600 et 1700 euros net par moi ce qui est vraiment une très bonne rémunération pour une thèse. Le minimum c’est 1350 net et j’ai des amis qui gagnaient autour de 1400 euros net. Le point de vue de certains c’est qu’on ne devrait pas être beaucoup payés pour avoir un diplôme à la fin.

Concernant ma thèse, le financement venait de la Direction Générale de l’Armement qui payait Conso Magenta qui nous rémunérait ensuite.

En ayant un diplôme d’ingénieur, on peut donc voir la thèse comme un sacrifice financier, quand on compare aux salaires dans l’industrie. C’est aussi un peu un sacrifice du point du vue de la vie personnelle pendant les cinq derniers mois, où ça devient plus compliqué.

Ce qui nous est peut-être moins présenté c’est ce qu’une thèse nous apporte. Tout d’abord, lorsque l’on rentre ensuite dans l’industrie, on peut avoir un poste d’ingénieur recherche, travailler en R&D. C’est aussi une expérience professionnelle de 3 ans et quand on regarde les offres d’emploi c’est souvent le minimum demandé.  Après une thèse, on est aussi capables de se former très rapidement et de faire une recherche bibliographique efficace.

Est-ce que tu travaillais seul ?

Non je n’étais jamais seul, ça aurait été une catastrophe sinon. Il faut savoir que pour une thèse on a au moins deux encadrants qui nous aiguillent et qui nous relisent. J’ai eu la chance d’avoir trois encadrantes qui m’ont orienté tout au long de ta thèse.

Par exemple pour notre adhésif, on avait deux moyens de le faire. La première option était de le synthétiser entièrement par voie chimique, donc ça implique une réaction chimique longue et compliquée. L’autre option était d’acheter les composants de base pour les mélanger. Au début j’étais parti sur la première option mais c’était vraiment compliqué et ça n’aboutissait pas. Ce sont mes encadrantes qui m’ont dit qu’il valait mieux s’orienter vers la deuxième pour ne pas perdre plus de temps et pouvoir passer à la caractérisation.

Les techniciens du laboratoire m’ont aussi aidé pour l’utilisation des machines. Ils m’ont formé sur la caractérisation Infra Rouge, l’analyse thermogravimétrique, la calorimétrie différentielle à balayage etc. Il y avait également tout le reste du laboratoire qui pouvaient m’aider et répondre à mes questions. Quand on sort de l’école on n’a pas encore une vue assez généraliste de tous les tests qui existent. Il y a des tests associé s à chaque question de caractérisation et il est difficile de tous les connaître. C’est aussi pour cette raison que le soutien des techniciens et des laborantins a été essentiel.

Le referais-tu si tu sortais de l’école aujourd’hui ?

Ouai clairement ! J’ai vraiment adoré le lieu, la région… C’est un peu loin de Nancy mais je ne suis pas très famille donc ça n’a pas été un problème. Et j’ai de supers amis ici donc je m’y plais vraiment !

La thèse en elle-même m’a aussi beaucoup plu ; j’allais tous les matins avec plaisir au boulot.

J’espère pouvoir valoriser cette expérience lors de mes recherches d’emploi et si je n’y arrive pas en France, j’irais en Allemagne ou dans un pays anglosaxon où les Docteurs sont beaucoup plus reconnus.

Quels sont tes projets maintenant que tu es docteur ?

Après un Doctorat, on peut être Maître de conférences mais avant ça il faut faire pas mal de post-doc, donc de mini thèses. Ça implique d’enchaîner les CDD et il n’y a pas forcément beaucoup de places pour le poste de MC. J’ai fait un peu d’enseignement et ça ne m’a pas vraiment plu.

Je préfèrerais trouver un poste dans l’industrie, en continuant de travailler sur les polymères. Un poste dans l’industrie aéronautique dans le Sud-Ouest ce serait top mais je sais que pour un premier emploi il faut être mobile.

Que t’as apporté la formation de l’EEIGM ?

Honnêtement à l’École je n’aimais pas les polymères. L’École m’a donné les bases mais ça me paraissait compliqué comme les propriétés changent avec la température. Je préférais de loin les métaux et même les céramiques.

A Sarrebruck, j’ai été confronté aux polymères et j’ai regretté de ne pas avoir assez approfondi le sujet pendant que j’étais en France. C’est à ce moment que j’ai commencé à avoir un vrai intérêt pour cette catégorie de matériaux et à apprécier leur complexité.

Aurais-tu des conseils à donner aux étudiants actuels ?

Le conseil que je pourrais donner ce serait de vraiment profiter des années à l’EEIGM. Jusqu’à présent elles font partie des plus belles de ma vie.

Pour ceux qui veulent aller en Allemagne, je vous conseille d’y être bien préparés parce que c’est dur, notamment par rapport au niveau de langue. Pour moi ça allait parce que j’avais fait un Abibac (Bac franco-allemand) et ça m’a aidé tout au long de ma scolarité ; je suis assez fier de ce choix, il a porté ses fruits.

Les cours sont en Allemand mais il y a la possibilité de rédiger en Anglais, ça en a sauvé certains. Ce qu’il faut savoir aussi c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’heures de cours mais qu’il faut fournir beaucoup de travail personnel à côté. 

Ce qui est intéressant c’est que les cours sont vraiment précis, on y apprend des choses très pointues. Il faut vraiment être motivé pour aller à Sarrebruck.

Un autre conseil, pour tous les étudiants cette fois, serait de mettre le paquet sur les langues. Ne les négligez pas ! Lorsqu’on fait une thèse par exemple, on n’échappe pas à l’Anglais, c’est la langue des articles scientifiques. On nous demande d’ailleurs d’avoir le B2 pour faire une thèse et on doit aussi faire une conférence à l’étranger. J’ai fait la mienne à Lisbonne, au Portugal. C’était une conférence européenne, il y avait des gens de nationalités différentes donc les conférences étaient entièrement en Anglais. J’ai eu mon FCE (niveau B2) à l’EEIGM et c’est suffisant, d’autant plus qu’au cours de la thèse on se familiarise avec le vocabulaire scientifique et technique lié à notre sujet ; c’est donc à la portée de tout le monde.

Interview et article réalisés par Léa Legoff

 

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